L'aimant supraconducteur avec écrantage magnétique actif le plus puissant du monde vient d'être inauguré à l'Université de Genève. Avec un champ magnétique de 21,3 Tesla, soit plus de 400.000 fois le champ magnétique terrestre, ce super-aimant devrait permettre de mieux comprendre les phénomènes gouvernant la supraconductivité et mettre au point de nouveaux matériaux supraconducteurs.
Les scientifiques suisses du Pôle National de Recherche MaNEP (Materials with Novel Electronic Properties), à l'Université de Genève, viennent de se doter du premier aimant supraconducteur de laboratoire à écran actif permettant d'atteindre un champ magnétique de 21.3 Tesla, soit plus de 400.000 fois le champ magnétique terrestre. L'écran actif réduit considérablement le champ magnétique à l'extérieur de l'aimant et permet donc de travailler dans des conditions ordinaires dans un espace considérablement réduit : un champ extérieur de 5 Gauss est mesuré à un diamètre de 3 mètres, contre 8 mètres pour un aimant sans écrantage.
Aimant supraconducteur de laboratoire à écran actif permettant d'atteindre un champ magnétique de 21.3 Tesla du MaNEP à l'Université de Genève
Estimé à 1 million d'euros, cet aimant pesant plus d'une tonne est constitué de plusieurs bobines supraconductrices concentriques : à base de fils en NbTi à l'extérieur, et à base de fils en Nb3Sn pour les plus centrales, celles qui produisent les plus hauts champs magnétiques. Ces fils d'un diamètre de 1 mm contiennent jusqu'à 10 000 filaments supraconducteurs, d'un diamètre de 4 à 5 micromètres.
L'espace libre au centre de la bobine (6,4 cm de diamètre) permet d'insérer divers dispositifs expérimentaux pour caractériser l'effet des contraintes mécaniques sur les matériaux supraconducteurs lorsqu'ils sont traversés par des courants électriques allant jusqu'à 1 000 Ampères, et à une température descendant jusqu'à 2.2 K.
Pourquoi cherche-t-on à comprendre et utiliser la supraconductivité ?
Découverts au début du XXe siècle, les matériaux supraconducteurs ont une résistance électrique strictement nulle en dessous d'une température dite Température Critique. Ils transportent alors les courants électriques sans aucune perte et permettent aussi d'atteindre des champs magnétiques intenses.
Voici quelques exemples d'applications de la supraconductivité.
L'imagerie à résonance magnétique (IRM qui utilise des champs magnétiques de 2 à 3 Tesla) et la spectroscopie à résonance magnétique nucléaire (RMN qui utilise actuellement des champs magnétiques de 21 Tesla, mais des champs supérieurs à 25 Tesla sont envisagés à moyen terme).
Une application à très grande échelle est constituée par les accélérateurs de particules. Le plus grand d'entre eux sera le LHC (Large Hadron Collider), avec une circonférence de 27 km, qui sera opérationnel en 2007 au CERN, à Genève. Dans cet accélérateur, le champ de 8.5 Tesla sera produit par 1600 dipôles de 16 m de long.
Mais l'application la plus spectaculaire est sans doute le « MagLev », un train japonais utilisant la lévitation magnétique. Lévitant au dessus d'un rail utilisant des aimants supraconducteurs, ce train prototype se déplace sans frottement et affiche un record de 552 Km/h !D'autres applications sont en préparation dans le domaine de l'énergie, comme des câbles à forts courants, des transformateurs, des moteurs, des limiteurs de courant, et des systèmes de stockage d'énergie. Un gros effort est aussi entrepris dans le domaine de l'électronique, où un grand nombre de dispositifs est étudié.
Une autre application très importante de la supraconductivité qui prendra de plus en plus d'importance à l'avenir est la fusion thermonucléaire, où de très grands aimants confinent le plasma. Un premier prototype (ITER), avec une participation internationale, est en discussion.
Tous mes remerciements à René Flükiger pour sa participation à la rédaction de cette "Actu".